The story of an infanticide by Leïla Slimani

Leïla Slimani raconte un infanticide dans son roman Une chanson douce, qui a reçu le Prix Goncourt 2016 – un des plus grands prix littéraires francophones.

C’est une histoire dure, sans concessions… de cet infanticide. Les victimes sont nées au bon endroit (centre-ville d’une capitale foisonnante et culturelle, Paris), dans la bonne famille (parents heureux d’être parents, aimants, éduqués, cultivés, dotés de belles valeurs humanistes). La meurtrière, l’assassin… peut-être pas… C’est l’histoire de mondes qui se croisent, se côtoient même, mais ne “s’entendent” pas, dans le sens littéral du terme “s’entendre” (s’écouter, se comprendre…).

Pour vous donner envie de lire ce roman, je n’ai rien de mieux à vous offrir que de vous en laisser découvrir les premières lignes. Lisez-les et si le coeur vous en dit, répondez au quizz de compréhension qui suit.

"Leïla Slimani tells an infanticide in her novel Une chanson douce"
"Cover book of Une chanson douce of Leïla Slimani - A story of an infanticide"

Une chanson douce - ou l'histoire sans concessions d'un infanticide - par Leila Slimani - Editions Gallimard 2016

Les premières lignes

Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’avait pas souffert. On l’a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. Elle s’est battue comme un fauve. On a retrouvé des traces de lutte, des morceaux de peau sous ses ongles mous. Dans l’ambulance qui la transportait à l’hôpital, elle était agitée, secouée de convulsions. Les yeux exorbités, elle semblait chercher de l’air. Sa gorge s’était emplie de sang. Ses poumons étaient perforés et sa tête avait violemment heurté la commode bleue.

On a photographié la scène de crime. La police a relevé des empreintes et mesuré la superficie de la salle de bains et de la chambre d’enfants. Au sol, le tapis de princesse était imbibé de sang. La table à langer était à moitié renversée. Les jouets ont été emportés dans des sacs transparents et mis sous scellés. Même la commode bleue servira au procès.

La mère était en état de choc. C’est ce qu’ont dit les pompiers, ce qu’ont répété les policiers, ce qu’ont écrit les journalistes. En entrant dans la chambre où gisaient ses enfants, elle a poussé un cri, un cri des profondeurs, un hurlement de louve. Les murs en ont tremblé. La nuit s’est abattue sur cette journée de mai. Elle a vomi et la police l’a découverte ainsi, ses vêtements souillés, accroupie dans la chambre, hoquetant comme une forcenée. Elle a hurlé à s’en déchirer les poumons. L’ambulancier a fait un signe discret de la tête, ils l’ont relevée, malgré sa résistance, ses coups de pied. Ils l’ont soulevée lentement et la jeune interne du SAMU lui a administré un calmant. C’était son premier mois de stage.

L’autre aussi, il a fallu la sauver. Avec autant de professionnalisme, avec objectivité. Elle n’a pas su mourir. La mort, elle n’a su que la donner. Elle s’est sectionné les deux poignets et s’est planté le couteau dans la gorge. Elle a perdu connaissance, au pied du lit à barreaux. Ils l’ont redressée, ils ont pris son pouls et sa tension. Ils l’ont installée sur le brancard et la jeune stagiaire a tenu sa main appuyée sur son cou.

Les voisins se sont réunis en bas de l’immeuble. Il y a surtout des femmes. C’est bientôt l’heure d’aller chercher les enfants à l’école. Elles regardent l’ambulance, les yeux gonflés de larmes. Elles pleurent et elles veulent savoir. Elles se mettent sur la pointe des pieds. Essaient de distinguer ce qui se passe derrière le cordon de police, à l’intérieur de l’ambulance qui démarre toutes sirènes hurlantes. Elles se murmurent des informations à l’oreille. Déjà, la rumeur court. Il est arrivé malheur aux enfants.

C’est un bel immeuble de la rue d’Hauteville, dans le dixième arrondissement. Un immeuble où les voisins s’adressent, sans se connaître, des bonjours chaleureux. L’appartement des Massé se trouve au cinquième étage. C’est le plus petit appartement de la résidence. Paul et Myriam ont fait monter une cloison au milieu du salon à la naissance de leur second enfant. Ils dorment dans une pièce exiguë, entre la cuisine et 

la fenêtre qui donne sur la rue. Myriam aime les meubles chinés et les tapis berbères. Au mur, elle a accroché des estampes japonaises.

Aujourd’hui, elle est rentrée plus tôt. Elle a écourté une réunion et reporté à demain l’étude d’un dossier. Assise sur le strapontin, dans la rame de la ligne 7, elle se disait qu’elle ferait une surprise aux enfants. En arrivant, elle s’est arrêtée à la boulangerie. Elle a acheté une baguette, un dessert pour les petits et un cake à l’orange pour la nounou. C’est son favori.

Elle pensait les emmener au manège. Ils iraient ensemble faire les courses pour le dîner. Mila réclamerait un jouet, Adam sucerait un quignon de pain dans sa poussette.

Adam est mort. Mila va succomber. 

« Pas de sans-papiers, on est d’accord ? Pour la femme de ménage ou le peintre, ça ne me dérange pas. Il faut bien que ces gens travaillent, mais pour garder les petits, c’est trop dangereux. Je ne veux pas de quelqu’un qui aurait peur d’appeler la police ou d’aller à l’hôpital en cas de problème. Pour le reste, pas trop vieille, pas voilée et pas fumeuse. L’important, c’est qu’elle soit vive et disponible. Qu’elle bosse pour qu’on puisse bosser. » Paul a tout préparé. Il a établi une liste de questions et prévu trente minutes par entretien. Ils ont bloqué leur samedi après-midi pour trouver une nounou à leurs enfants.

Quelques jours auparavant, alors que Myriam discutait de ses recherches avec son amie Emma, celle-ci s’est plainte de la femme qui gardait ses garçons. « La nounou a deux fils ici, du coup elle ne peut jamais rester plus tard ou faire des baby-sittings. Ce n’est vraiment pas pratique. Penses-y quand tu feras tes entretiens. Si elle a des enfants, il vaut mieux qu’ils soient au pays. » Myriam avait remercié pour le conseil. Mais, en réalité, le discours d’Emma l’avait gênée. Si un employeur avait parlé d’elle ou d’une autre de leurs amies de cette manière, elles auraient hurlé à la discrimination. Elle trouvait terrible l’idée d’évincer une femme parce qu’elle a des enfants. Elle préfère ne pas soulever le sujet avec Paul. Son mari est comme Emma. Un pragmatique, qui place sa famille et sa carrière avant tout.

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